Assemblée bien garnie pour cette présentation du bouquin Contre Euralille. Des contributeurs, seul Antonio Delfini sera présent, Rafael Snoriguzzi étant empêché. Le débat est modéré par A. d’Antiteso qui introduit la rencontre en faisant un parallèle entre le projet Euralille et celui de Teso à Toulouse.
Euralille est un quartier en périphérie de Lille. À la base, l’endroit était occupé par un bidonville, un habitat en autoconstruction d’environ 2000 habitants dans les années 1970. Tout n’était pas idyllique mais y régnait un réel esprit de communauté. Cet habitat a progressivement disparu, officiellement pour des questions de salubrité, officieusement pour servir de terrain d’exercice aux promoteur.e.s immobiliers.
Euralille c’est le projet de Pierre Mauroy, ancien maire de la ville mais également ancien premier ministre qui souhaitait profiter du passage du TGV pour réactiver le secteur industriel touché par la crise économique (mines, textiles…). L’appel à projets est gagné par Remment Lucas Koolhaas, un architecte néerlandais dont le credo « fuck the context » séduit les collectivités parties prenantes. Derrière tout ça, Koolhaas ne souhaite pas tenir compte de ce qui se fait déjà dans le coin, se foutant éperdument de l’homogénéité que peut avoir le projet avec l’architecture urbaine locale. Au centre, un centre commercial supposé être le moteur pour attirer investisseur.e.s et entreprises internationales et faire de Lille un aspirateur à capitaux et d’Euralille un grand centre d’affaires, peu importe si le quartier s’éteint passé 21h00. C’est aussi l’occasion de légitimer la mode sécuritaire qui séduit les aires urbaines car le centre voisine avec les cités de Roubaix et Tourcoing, réputées plus prolétaires et donc pouvant attirer une clientèle peu désirée. Euralille est aussi la concrétisation d’une marque déposée censée faire rayonner la ville économiquement et culturellement dans la course effrénée que se livrent les grandes métropoles européennes.
En fait d’investisseur.e.s internationaux/ales, Euralille est surtout trustée par des entrepreneur.e.s locaux/ales et la bourgeoise locale, ancienn.e.s du textile ayant réussi leur reconversion. Car comme à Toulouse ou ailleurs Euralille, avec ses mètres carrés de bureau vides, si elle représente une superbe plus-value immobilière, en plus de vider ses abords proches de toute activité commerciale – fermeture de petits commerces – est surtout un échec cinglant pour la municipalité à l’image de ce que l’on peut trouver à Toulouse sur les centres de Compans-Cafarelli et/ou Saint-Georges. La griffe n’a donc pas pris mais les dégâts sont là, sur le plan urbain mais également sur la répercussion des loyers.
Pour contrer ce projet, les moyens sont assez limités.
Il est possible d’agir sur le plan juridique. Pour concrétiser ces projets, les collectivités locales sont tenues de passer par la procédure des marchés publics, régi par le Code de la Commande Publique de 2019. Pour ce type de marché, les procédures administratives sont longues, couteuses, et bien peu échappent à des vices de formes – volontaires ou pas – pouvant être dénoncés devant les tribunaux administratifs et bloquer sérieusement des parties de projet, voire même les annuler dans le meilleur des cas.
Dans les années 1970, l’atelier populaire d’urbanisme (APU), implanté dans le quartier de l’Alma à Roubaix a beaucoup œuvré pour freiner la frénésie d’expansion des investisseur.e.s, proposant aussi de nouvelles propositions de vie en ville sur la base du quartier, par la réappropriation des rues notamment.
A. revient sur le parallèle entre les deux projets d’Euralille et Teso. Si la finalité et les conséquences sur l’environnement et les habitants sont les mêmes, le modus operandi diffère. A Toulouse, TESO prendrait place au milieu d’un quartier populaire, déjà habité, donc, avec pour objectif de remplacer la population existante par une plus friquée qui ne manquera pas d’arriver et d’investir les lieux une fois que le quartier se sera transformé. Tout n’est donc pas perdu et les habitant.e.s du quartier peuvent encore être acteur.e.s de leur lieu de vie.
L’audio de la soirée est disponible sur le lien de Canal Sud.
Pour commander le bouquin : Editions Les Etaques
Dispo aussi chez Terra Nova, Rue Gambetta, 31 Toulouse.